Lundi 29 mai 2023. Jean-Marie Chanson a guidé et commenté passionnément une balade sur le plateau des Mille Étangs qui nous a fait observer, jusqu’à de très petits détails dans le paysage, les traces des dernières glaciations. Profonde collusion entre le temps et l’espace et occasion, peut-être, de remettre en cause cette souveraineté que l’histoire a longtemps exercée sur les sciences de la Terre, géographie et géologie notamment. Fernand Braudel, qui a consacré son grand livre à l’espace de la Méditerranée sous Philippe II (1527-1598) et mis à l’honneur le terme de géohistoire, déclarait, dans une conférence de 1955 intitulée L’impérialisme de l’histoire : « Chaque fois que le temps disloque, transforme un paysage, nous avons l’occasion d’apercevoir certaines textures et certaines architectures, certaines complexités du monde social. » Ainsi le surgissement d’eaux profondes à la ligne de fracture d’un horst et la naissance, dès l’Antiquité, de l’économie thermale à Luxeuil-les-Bains ; à Bois-Derrière (Franchevelle), c’est une ligne de piquets que nous suivons des yeux, une clôture qui souligne exactement le renflement de la moraine, une connivence paysagère de la pâture, de la marqueterie culturale avec l’avant-dernier grand âge glaciaire…
Nos profs de collèges et lycées étaient profs d’histoire-géo, et l’on ne s’interrogeait guère sur le raccourci et la position seconde de GEO, sur cette Pangée maintes fois évoquée dans la journée. De fait l’historien a souvent porté en arrière-plan le cadre naturel (décrit dans l’introduction des grandes thèses régionales), séparé l’humain de la nature dont l’homme moderne, à la suite de Descartes, « s’est rendu comme maître et possesseur ». Si le géographe et le géologue arpentent les pagi (pays), marteau et carte de l’état-major en main, l’historien est plus enclin à noircir la page, à privilégier souvent le général sur le local, à oublier même les lieux, le détail encombrant, la topographie, la nature des sous-sols, les patois locaux… Tenir ensemble l’histoire, la géographie, la géologie, redonner sens au trait d’union dans la matière histoire-géo, c’est la gageure. Mais l’anthropocène, l’écologie, l’histoire environnementale, le « paysage-histoire », le climat sont revenus en force dans l’actualité, et la sortie-géologie d’antan a été, ce lundi de ‘pentes et côtes‘ 2023, plus instructive que jamais.
…et voir ICI toutes les photos de Bernard.
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On peut se procurer auprès de la SHAARL le rapport de 2022 (90 pages) : Bornes royales et héritages culturels et environnementaux dans les forêts des Vosges saônoises (Haut-du-Them – Château-Lambert, Servance – Miellin et Ternuay-Melay-et-Saint-Hilaire). Programme soutenu par la MSHE C.N. Ledoux, qui met en relation des bénévoles avec les chercheurs.
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En ligne, le dernier numéro de la Revue géographique de l’Est est consacré à : Les Mille Étangs : territoire, ruralité et patrimoines et on lira justement, de Dominique Harmand, Le plateau des Mille Etangs : un fjell de basse altitude.
Vous souhaitez mieux connaître des activités en rapport avec l’histoire, l’archéologie, les patrimoines de votre région ? Alors venez à la SHAARL, présente au 1er salon du livre, à Lure, les samedi et dimanche 3 et 4 juin 2023 ; son assemblée générale se tiendra également samedi 10 juin, à 16 heures, au local (Centre Jeanne Schlotterer – 17 esplanade Charles de Gaulle. Lure). Et encore, dans le dernier bulletin, qui vient de paraître, la chronique passionnante d’un prospecteur archéologique, qui découvre l’histoire en se promenant et en regardant.