Un oublié, Charles Thirria (1796-1868)

Les historiens – ainsi Alain Corbin, dans Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot – Sur les traces d’un inconnu, 1798-1876 (Flammarion, 1998), ou Arlette Farge, dans Vies oubliées. Au cœur du XVIIIe siècle (La Découverte, 2019) – parviennent à saisir dans la poussière des archives le murmure des vies ordinaires, des personnes invisibles qui jamais ne se sont hissées aux créneaux de la notoriété. Inversement peuvent s’effacer, en quelques décennies, les traces d’hommes et de femmes qui furent illustres en leur temps. Les descendants ne se manifestent plus, les tombes abandonnées dans les cimetières sont relevées, quelques restes sont peut-être déposés dans la fosse commune…

Le personnage célèbre a pu aussi changer de lieux. Le grand ingénieur et mécanicien Benoît Fourneyron (1802-1867), inventeur de la turbine hydraulique, est reconnu dans sa ville natale de Saint-Etienne mais largement ignoré dans le département de la Haute-Saône où il expérimente pour la première fois, en 1827, à Pont-sur-l’Ognon, le moteur hydraulique « à pression universelle et continue ». Tout aussi oublié est Alfred Meugniot (1857–1928), né à Faucogney, qui contribue au début du XXe siècle à la restauration de la carpiculture française ; et personne, dans les festivités du Tour de France, ne s’est rappelé que le docteur Philippe Marre (1907-1980), qui exerçait à Lure dans sa clinique de la place de la Libération, fut un compagnon de Paul de Vivie, dit Vélocio (1853-1930), figure emblématique du cyclotourisme français. Philippe Marre, ami  du cyclotouriste Jacques Faizant, a été aussi rédacteur en chef de la revue de Vélocio, Le Cycliste ( publiée de 1887 à 1974 !).

Le travail de l’historien comporte cette fonction d’exhumation des figures oubliées et nous pouvons saluer les recherches du docteur Larère (il a aussi exercé à Lure) qui a rappelé  récemment à l’auditoire de la SALSA le parcours de Charles-Édouard Thirria (1796-1868), ingénieur des mines de la Haute-Saône, président de la SALSA en 1840, qui publia une œuvre imposante sur la Haute-Saône du XIXe siècle, aujourd’hui source documentaire essentielle. On pourra se reporter à la notice biographique et bibliographique établie par Claude-Isabelle Brelot, sur le site du Comité des travaux historiques et scientifiques. En ligne également le Manuel à l’usage de l’habitant du département de la Haute-Saône (1869 – 1003 pages)…

Charles-Édouard Thirria a bien été inhumé à Vesoul, mais de tombe plus aucune trace ; « aucun descendant ne s’est manifesté en 1963, lors du relèvement des tombes abandonnées», explique Jean-Claude Larère qui a entrepris des démarches fructueuses auprès de la municipalité de Vesoul. Le nouvel espace funéraire, qui jouxte le cimetière de la ville, s’appellera : Espace cinéraire Charles Thirria. Une plaque commémorative y sera inaugurée le samedi 24 octobre 2020, à 11 heures.