Tous les articles par Daniel Curtit

Melisey. Histoire des Vosges saônoises. XIXe siècle.

Douce « la route du fer »…

Les quelque 60 participants à la 9e sortie annuelle de la fédération du patrimoine minier s’étaient donné rendez-vous au lundi de la Pentecôte 2015, du côté des mines du keupérien de la moyenne vallée de l’Ognon et des villages de mineurs, forgerons et fondeurs particulièrement actifs au XIXe siècle, à Melecey , Fallon, Montagney…
Merci à Claude Canard, à Pierre Fluck et à tous leurs amis suisses, alsaciens, lorrains, comtois si éclairés dans le monde des filons et des arts du feu. Se sont jointes sur le même chemin , dans la même gangue (car le mot qui désigne l’enveloppe terreuse du métal dit aussi en allemand le chemin, le chemin du filon, der Gang), les passions disciplinaires les plus variées : géologues, archéologues, hydrologues, historiens… ont éclairé celles et ceux qui n’étaient pas avertis de choses cachées depuis la fondation du monde. Du cimetière dormant sur la colline au-dessus de Mélecey, avec ses croix de fonte mêlées à la verdure, à la Grande Raie exploitée par les mineurs fondeurs de Fallon, jusqu’à la forge de Montagney qui a conservé son haut-fourneau, le dialogue est allé bon train, mêlant la découverte et l’explication d’un riche patrimoine industriel aux questions les plus brûlantes du présent (transition énergétique, continuité écologique). Surprise encore de découvrir dans la verte vallée de l’Ognon, désertée par les fumées de l’industrie ancienne, les ferveurs de quelques adeptes du socialisme utopiste du XIXe siècle, telle Clarisse Vigoureux, née À Montagney, belle-mère de Victor Considerant qu’elle initia au fouriérisme. À une encablure de Montagney (25), à Pont-sur-l’Ognon (70), l’ingénieur mécanicien Benoît Fourneyron, qui adhère aux idées saint-simoniennes, rêve aussi d’une société plus fraternelle et perfectionne le moteur à eau : la première turbine hydraulique apparaît au bord de l’Ognon, en Haute-Saône, en 1827…

Au final, une grande journée de douceur sur la route du fer toute bordée de mirabelliers. Le fer était doux, aimanté ce lundi 25 mai 2015 par beaucoup d’amitié, de découvertes, de réflexions… Rendez-vous est pris pour la dixième sortie 2016 de la fédération du patrimoine minier.

(Voir aussi la revue de presse et le compte-rendu détaillé de la sortie par Claude Canard.)

Champlitte, Château-Lambert… l’avenir des petits musées

Le nombre d’entrées dans les musées de France s’élevait à 63,5 millions en 2013, mais les visiteurs  toujours plus nombreux se précipitent surtout dans les grands musées de la ville (le Louvre, Orsay, le quai Branly, le Prado à Madrid, la galerie des Offices à Florence …), oublient les petits chemin des musées de campagne… On pourra se reporter à un article de LEst Républicain du 16 mai 2015  : « Musées : la grande fracture« , et s’inscrire aussi à une discussion au musée de la montagne (Château-Lambert)…

L'avenir des petits musées

Les archives, « le tourbillon du kaléidoscope »…

Les archives conservées par la SHAARL sont de toute nature (papiers de l’avoué Mougenot de la fin XIXe siècle, un herbier provenant de la mairie de Port-sur-Saône, des collections de journaux…) et Stéphane Brouillard, qui dépouille et classe inlassablement tous les dossiers, nous remet une photographie présente dans un catalogue de l’usine Lautenbacher qui était située rue Jean Jaurès, à Lure, à l’emplacement actuel des résidences « Les Eaux vives« , construites dans les années 1990.

Les "Eaux vives", à Lure
Résidence « Les Eaux vives » (Lure – 70. Photo 2011)

Le document photographique est une invitation au voyage dans le temps saisissante. Confrontons le paysage usinier du début des années 1960 à la rue Jean Jaurès d’aujourd’hui… La date de la photo est incertaine, on voit les poteaux électriques, des plaques d’égout, les trois maisons construites en face de l’usine, entre la rue Neuve et  celle du mont Randon. On n’aperçoit âme qui vive autour de l’usine, dans les rues, dans les jardins ; la photo aérienne est prise sans doute très tôt, le soleil ne dessine aucune ombre, c’est un jour d’été, de vacances peut-être… En grossissant l’image, qui a une bonne résolution, on voit des rideaux et des volets de chambres tirés, des fenêtres ouvertes qui apportent la fraîcheur, et le bruit de l’avion a peut-être réveillé Mme Kipe, ou ma grand-mère Marguerite, qui ira au jardin. Encore un détail visible, qui ranime un souvenir de piqûre douloureuse : au coin de l’une des maisons, près du jardin, une ruche…
(cliquer sur les images)

Un blog consacré à une chronique de la Grande Guerre à partir d’extraits du journal Le petit Comtois nous offre une autre image du même endroit : l’usine Grün, qui a précédé l’établissement Lautenbacher… Une seule maison, celle de M. et Mme Maille,  apparaît en face de l’usine, sur le chemin du mont Randon. Au-dessus des toits à sheds, les hautes cheminées disent l’absence de distribution électrique ; l’image est de 1929.

Usine Grün à Lure(Usine Grün, à Lure )

Une usine, des plaques d’égout, de hautes cheminées, des fils électriques, une résidence d’aujourd’hui avec des voitures, des maisons de l’entre-deux-guerres avec des jardins, une journée particulière, une ruche… : les archives mêlent le singulier, l’intime parfois au collectif, permettent l’approche d’une époque, d’un lieu, d’un milieu… Qu’elles soient fragments matériels, murmure de milliers de mots, dessins, photographies…, « Mille fois devant les yeux tournoie le kaléidoscope (…) Le sens de l’archive a la force et l’éphémère de ces images une à une convoquées par le tourbillon du kaléidoscope. » (Arlette Farge, Le goût de l’archive. 1989).