L’histoire a bien sûr toutes sortes de facettes et ses échos nous parviennent contrastés, ce matin. On aurait aimé assister aux Rendez-vous de l’histoire, à Blois, qui avaient pour thème cette année : Les rebelles. Ils sont curieusement perturbés par une querelle faite à Marcel Gauchet : des écrivains refusent que la leçon inaugurale soit prononcée par un « non-rebelle », directeur de la revue Le débat, qui se serait opposé à Foucault, à Bourdieu… Sa belle réponse (à lire par exemple dans Le Monde) rappelle toute la lignée droitière du rebelle, qui n’est pas à confondre avec le révolutionnaire…
Aucune atmosphère germanopratine par contre à la conférence donnée hier soir à Lure, par J.-M. Chanson, qui s’intitulait : Terre et pierre. Cet adhérent de la SHAARL nous embarquait avec passion dans les ères géologiques et à travers l’immense variété des productions minérales qui colorent et agglomèrent encore aujourd’hui les façades de nos villages. Cartes géologiques, dominante chromatique des villages, toute une géographie de la couleur haut-saônoise a défilé sur l’écran durant deux belles heures. A l’inverse de l’histoire professionnelle souvent très spécialisée, une société d’histoire locale comme la SHAARL rassemble des amateurs aux intérêts les plus variés, qui ne jalousent pas l’historien professionnel, mais incitent, même dans le balbutiement ou la cacophonie parfois, le public le plus large à sympathiser avec leurs regards. Ainsi s’effectue la transmission des connaissances et des mémoires les plus diverses : sans ces amateurs qui aiment ce qu’ils regardent, l’historien professionnel resterait isolé et presque inaudible.
Pour exemple, hier soir, J.-M. Chanson dépassait l’opposition entre sciences de la nature et sciences de l’homme, maniait un double alphabet en portant la parole des éléments naturels, des objets non-humains… L’historien local, qui n’a jamais eu en vue les millions d’années, aura beau jeu de ramener le géologue à l’étroitesse temporelle. Signalons par exemple l’importance d’une architecture ligneuse et terreuse encore bien en place au XIXe siècle, avec bien sûr le risque afférent des incendies qui provoque, dans les années 1850, des arrêtés préfectoraux interdisant de recouvrir les toits avec du chaume ; des révoltes s’ensuivent (comme dans la campagne angevine, en 1854), car les budgets paysans et les murs de terre ne peuvent supporter le poids d’un toit de tuiles ou de « laves ». La batteuse mécanique s’avérait bientôt plus efficace que le Préfet, la technique plus radicale que la politique : si le fléau épargnait la tige de seigle, la machine l’écrasait et mettait bas ainsi les chaumières. Note d’histoire que nous rajoutons pour bousculer encore la multiplicité des environnements si changeants et des temporalités que la conférence de Jean-Marie articulait si utilement, à l’heure difficile de la transition écologique, qui n’est pas affaire seulement de technique et de gouvernement, mais aussi de façons de penser, de réfléchir, lesquelles évoluent moins vite que nos impacts sur la planète.