Il y a quelques jours : ma promenade dans le bois…

(Texte et photos de Michelle Marchal, adhérente à la SHAARL et visiteuse de l’exposition Bois. Visionner aussi la galerie en cliquant sur une image…)

   Arrivés sur le parking de L’Espace du Sapeur, nous ignorons ce que nous allons découvrir… Installé dans la cour, l’homme à la moustache, c’est Denis Clerc : chemise à carreaux, le vrai bûcheron. Des troncs d’arbres débités  sur un chariot, tronçonneuse à la main, ça ne rigole pas, enfin si, ça rigole ! L’homme des bois a de l’humour, salue les arrivants et incite fortement les dames à lui faire la bise. Ça nous met déjà dans l’ambiance forestière et dans la bonne humeur. Puis nous entrons dans le hall, quelques bonsaïs décorent les tables, des sculptures exécutées à la tronçonneuse sont présentées parmi de nombreuses branches qui forment une allée végétale.


Ensuite, la grande salle qui donne l’impression d’être immense, ce n’est pas qu’une impression !  Nous entrons sous le charme dans tous les sens du terme, branches de charme suspendues au plafond et le charme de Lili Pernot et Dany Prost qui, comme à chaque événement, accueillent les visiteurs dans une organisation parfaite. Se joignent à elles Agnès, Francine, Nicole, Thérèse…Elles vous saluent, avec un petit mot pour chacun, donnent les renseignements demandés, présentent la Shaarl et invitent à poser des questions aux exposants… Tout discrètement, elles effectuent un comptage rigoureux des visiteurs… Plus le nombre est élevé, plus les visages sont radieux.


On reste là quelques instants en se demandant par où commencer. La plupart sont inévitablement attirés pas les bonsaïs de Robert, Il faut bien reconnaître que sa table impressionne, toute en couleur, le vert évidemment, le blanc du cerisier en fleurs, le rose d’une autre miniature. Le pulvérisateur, les petits outils indispensables à la taille toujours  sous la main. Il est là à vous prodiguer tous les conseils, à répondre à toutes les interrogations. Ça intrigue, ces miniatures. Elles sont présentées dans un décor élaboré. De jolies pierres, des copeaux de bois, des pots en céramiques parsemés de petites plantes de saison : violettes, pensées, myosotis, muguet qui s’impose le jour du premier mai.  Robert, avec toute sa modestie et ses outils spéciaux, montre les gestes, explique consciencieusement qu’un bonsaï est plus exigeant qu’un animal domestique. Hé oui, c’est aussi du vivant ! Agnès, souvent à ses côtés, nous apporte quelques détails supplémentaires quand le spécialiste est déjà occupé avec d’autres visiteurs.


Tout à côté, l’association des Croqueurs de pommes, qui nous renseignent sur les variétés fruitières, les différentes sortes de greffes… On leur demande comment obtenir des fruits, comment défier le climat qui, encore cette année, nous a joué un mauvais tour avec ses gelées que tout le monde avait inconsciemment oubliées… On parle variétés anciennes qui étaient extrêmement nombreuses, on parle nature du terrain, lieux géographiques, parcelles ventées… Pierre Marchal indique les variétés, les différentes manières de greffer. Et puis le sujet bifurque sur les différentes localités haut-saônoises, les abeilles…  Retour à la réalité et aux aléas de la nature… On parle de la durée de vie des arbres et l’humain encore une fois se sent bien modeste face à la nature.


Ensuite, nous hésitons… Tant de stands nous attirent. Va-t-on poursuivre la visite sur la droite, sur la gauche ? Difficile de choisir, et hop, une personne de la SHAARL, de son village, un ami que nous n’avions pas rencontré depuis un certain temps… alors un brin de causette s’impose. Rappelez-vous l’intitulé de l’expo : «  Promenons nous dans le bois » … Nous allons donc déambuler dans un désordre bienfaisant au gré de nos envies, des attirances du moment.


Et là, les cartes postales nous font de l’œil, nous reviendrons sur nos pas ensuite, nous ne pouvons résister à ces photos anciennes qui rappellent à chacun un souvenir d’enfance, le grand-père, la grand-mère, la nostalgie de notre jeunesse, de nos vacances tandis que la vie n’était sans doute pas toujours aisée pour nos aïeuls. Certains prennent la pose et ont l’air d’avoir une vie douce. Ce sont plutôt les clichés Cardot et Poirot prêtées par le Centre de Ressources Photographiques. D’autres images montrent la dure réalité de labeur des ouvriers des mines, des chantiers, des bûcherons, des charbonniers, des gens, la vie tout simplement. Toutes ces images ne laissent personne insensible. Nous observons la plupart du temps l’émotion du visiteur qui s’attarde sur quelques scènes qui lui parlent particulièrement, qui le ramènent au passé, plus heureux ou plus difficile. Pour un instant, on se retrouve dans une autre époque…

   Le visiteur hésite un peu encore dans ses rêves et il aperçoit Christelle Poupon assise sur son banc de vannière avec des brins d’osier, alors on s’approche, on hésite, un peu impressionné par la délicatesse des bijoux, l’originalité des créations. Ce stand surprend dans cette exposition que l’on imaginait moins précieuse. Puis le visiteur et beaucoup de visiteuses se laisse happer par ces bijoux particuliers, ces paniers qui nous émerveillent par leur forme, leur matière. Christelle radieuse nous explique les matériaux utilisés, ses techniques. Elle fait des démonstrations avec son matériel que beaucoup découvrent … Cette talentueuse passionnée nous donne envie d’aller suivre un stage dans son atelier ; tiens pourquoi pas ? Nous allons y réfléchir !  En tout cas, nous passerons la voir au retour d’une balade sur le sentier qu’elle a décoré de « land art » et que l’on peut emprunter pour monter à la chapelle de Ronchamp. En plus de cette rencontre agréable à l’expo, une visite charmante en perspective…


Ensuite dans quel sens se diriger ? Le voisin a l’air bien un peu intrigant, il a exposé des vitrines qui contiennent de drôles d’outils, on hésite aussi… allez, une question ! L’objet qui intrigue, un genre de pyramide allongée sur laquelle on distingue l’inscription écrevisses ? oui ?  non ? Pascal Delon s’amuse un peu, il sait que la curiosité va faire démarrer la discussion. Ce passionné de la forêt, de sa gestion, nous cède un peu de ses connaissances. Nous admettons être bien ignorants quand il nous fait part des essences, de l’utilisation du bois, des métiers de l’ONF, que beaucoup nomment encore les Eaux et Forêts. Ah non !  La forêt a perdu les eaux en 1966, nous apprend le spécialiste ! Mince alors et nous ne l’apprenons qu’aujourd’hui ! Les enfants ont surtout apprécié le costume exposé, est-il possible de se faire photographier avec le képi sur la tête? Bien évidemment ! Pascal, technicien forestier, semble ravi que l’on porte tant d’intérêt à son métier. Mais attention, le personnage n’est pas prêt à supporter de sottes attaques de la part d’un personnage indélicat  et ignorant. Le calme revient vite avec un visiteur chaleureux et ami. La vitrine contient un cahier ancien rédigé par un garde des Eaux et Forêts qui chaque jour notait les informations, les observations, voire les anecdotes. Ces cahiers sont une source fabuleuse de renseignements historiques concernant la forêt, la rigueur, la manière de travailler autrefois. Ces vitrines contiennent plans, outils et autres trésors qu’il serait trop long de détailler, mais que chacun a pu observer durant ces deux week-ends.


On se retourne et, à nouveau, un banc plutôt inquiétant en ce lieu . Des pièces de bois et des courbes qui nous rappellent celles des électrocardiogrammes. N’ya t-il pas eu une erreur de destination ? Allons voir cela de plus près. Olivier Girardclos nous apprend qu’il est archéologue, chercheur, spécialiste en dendrochronologie. Stupeur ! Yeux écarquillés ! Pouvez-vous répéter ? DENDROCHRONOLOGIE !  Ça existe ? L’exposant, s’il n’a pas choisi le terme de sa spécialité, est forcément exotique. Il faut avouer que ces résultats d’examens cardiologiques sur la table nous inquiètent un peu. Espérons que le cas n’est pas trop grave, nous devons donc lui rendre visite, histoire de montrer que nous accordons de l’importance au malade. Sans doute la plus insolite des présentations. Ceux qui connaissaient un peu l’affaire pensaient aux cernes pour identifier le climat (pas les cernes de nos yeux fatigués de tous ces jours fériés !). Mais l’étude des bois apporte bien plus de précisions. Elle permet la datation de bois très ancien. Le banc d’Olivier est en rapport avec la table contiguë sur laquelle sont exposées les maquettes de Pierre Tison. On a pu observer les ponts de Brognard qu’il a reproduit en miniature. Les vestiges de ces ponts ont été datés, l’un du  Ier siècle ap JC et  le suivant du IIe siècle selon les études dendrochronologiques. Les restes de ces deux ponts ont été retrouvés lorsque les engins ont creusé pour dévier l’Allan, lors de la réalisation de la zone industrielle d’Etupes. Les études consistent à comparer différents fragments de bois pour effectuer les datations de la coupe et la provenance des arbres utilisés pour les constructions. Plus les éléments sont nombreux, plus la datation est précise. On aura pu observer aussi la reconstitution d’un puits  par une équipe de la SHAARL d’après des éléments retrouvés et étudiés datant de 176. Après la visite, tous ont été rassurés de l’état de santé d’Olivier et bien entendu chacun s’est senti bien plus savant.


L’étude des cernes nous avaient un peu épuisés ; au fond de la salle un film était diffusé, quelques sièges permettaient de se reposer un peu et d’assister au spectacle du travail forestier d’antan. Les spectateurs ont pu regarder plusieurs films d’Alain Baptizet, cinéaste haut-saônois. S’il travaille dans des pays lointains et a produit -entre autres- des documentaires pour la célèbre émission télévisée Ushuaïa, il est très sensible aux sujets locaux et plus particulièrement aux métiers et à la vie d’autrefois. Un autre temps, où le bois avait une place prépondérante. La SHAARL a acquis ses œuvres, ce qui nous a permis de revoir les films ; Alain Baptizet sillonne toujours les villages pour projeter ses documentaires qui remportent un indéniable succès.

   Puis, en se relevant, les visiteurs aperçoivent de remarquables carcasses de sièges de styles différents qui se trouvent sur l’estrade. Il s’agit d’un petit échantillon des trésors-du Conservatoire de la Cité du meuble de St-Loup-sur-Semouse. Les visiteurs ne se sont pas privés de demander moult renseignements à Louis Jeandel concernant tel siège original et bizarre qu’ils possédaient. Quel style ? De quand peut-il dater ?  Beaucoup ont appris et ont été surpris de l’importance de cette industrie passée. Le conservatoire -où sont encore entreposées plus d’un millier de chaises- est témoin des Usines Réunies , fusion de trois ateliers : celui de Simon Lebrun en créé 1859, auxquels se sont ajoutés ceux de Théodule Bardoz et de Ferdinand Walser (ce dernier originaire de Montbéliard). Fin XIXe siècle, les revenus de la majorité des familles des alentours de Saint-Loup proviennent de la fabrique de chaises et meubles et des emplois annexes. Une multitude de sièges destinés à des lieux célèbres, comme l’Elysée, ou des éléments du Paquebot Normandie, ont été fabriqués dans ces usines. Le Conservatoire organise des manifestations plusieurs fois par an.


Derrière nous, un retable ancien provenant de Longevelle, qui appartient à la SHAARL et date du XVIe siècle, s’est invité au sein de l’atelier de restauration de Vesoul. Ce dernier, composé de professionnels qui effectuent un travail remarquable dans la restauration d’objets précieux, jouit d’une grande renommée. Certains adhérents de la SHAARL avaient eu l’occasion d’apprécier la visite des ateliers qui nous avaient accueillis lors du colloque de la SALSA à Vesoul (avril 2016).


Nous nous dirigeons un peu plus loin, attirés par des sabots miniatures décorés, sculptés, et nous découvrons des valisettes peu ordinaires. Un passionné, Philippe Boulereau, a reconstitué des ateliers miniatures d’une précision exceptionnelle. Les lieux, les outils, les objets fabriqués reproduits à l’identique, la forge, l’atelier du charron, celui du sabotier. Le tout avec des détails impressionnants. Tout en modestie, il nous précise qu’il fallait bien se trouver une occupation quand il était encore en activité et qu’il se divertissait de cette manière en dehors de ses heures de travail. Ces reconstitutions stupéfient le public qui a du mal à quitter ces mini-ateliers qui ramènent eux aussi dans le passé, dans des bribes de son histoire.


Tiens, qui est ce personnage à notre gauche ? Avec ses bouteilles d’eau de vie, ses tisanes, ses bocaux de cerises, de mirabelles disposés parmi des plateaux, rondins de bois, branches feuillages. C’est Jean-Marie Brun  conservateur du musée de Rougemont, dans le Doubs. Il a exercé nombre d’activités en rapport avec la nature. Il vous parle des oiseaux, des bienfaits des plantes, du pouvoir des arbres, il est intarissable dès qu’il s’agit de transmettre son savoir inépuisable. Doté d’un esprit pratique, cet homme généreux vous bricole un tas d’objets ingénieux tel le tronc creusé destiné à être rempli d’eau pour tremper les éclisses, appareil fabriqué spécialement pour simplifier la tâche de Christelle. Ah ! Du coup, on en oublierait de préciser qu’il présentait toutes les essences de bois avec branchages, fruits produits s’y rapportant et même des bois fossilisés. Si vous le croisez en forêt, ne vous étonnez pas s’il est en fusion ou en conversation avec un chêne, il semble qu’il puise sa vitalité de la nature. Ou alors c’est sans doute l’inverse , c’est  peut-être bien lui qui donne de la force aux sources, aux ruisseaux, aux branches, aux feuilles et même aux oiseaux.


Un peu plus loin,  en face des plans forestiers  exposés par Stéphane Brouillard, sont présentés une multitude d’outils de toutes les époques, c’est le mini musée de Claude Canard.  Détails innombrables de techniques, de matériaux. Toutes les étapes vous sont présentées, livres rares sous vitrines, bois exotique. Juliette l’accompagne et joue à l’assistante. Claude loin d’être avare d’explications vous explique des techniques vraiment dans les détails, un peu obscurs quelquefois pour nous, les amateurs.


Jean Claude Horlacher bataille avec les cailloux, l’eau, le sable… Il fabrique des outils préhistoriques avec les techniques de l’époque. Il a reconstitué des manches en bois pour que les visiteurs retournent dans des temps très lointains. Dans sa vitrine sont exposés des d’objets précieux que nous serions bien incapables d’identifier si nous les trouvions dans notre jardin. Il nous impressionne par son œil aiguisé à la recherche de pierres précieuses dans les champs labourés !


Plus loin, l’herbier de Robert Billerey nous surprend. Beaucoup ne pensaient pas qu’il existait autant de variétés de chênes et toutes ces belles planches, si bien présentées, avec des étiquettes précises, nous rappellent les instituteurs qui nous ont initiés au séchage de quelques feuilles entre deux buvards… Temps bien lointain…


En face, Francis Ghilardini, spécialiste de marqueterie, travail minutieux qu’il réalise devant le public. Il présente sa pièce prestigieuse pour laquelle il a obtenu un prix d’excellence. Ce bois-ci demande des connaissances très pointues, le bois est travaillé à l’extrême, contrairement aux loupes de buis sur la table d’en face d’un charme particulier à l’état brut.


Les membres d’un club de vannerie se sont relayés pour nous rappeler le travail traditionnel de l’osier et du rotin exécuté depuis des siècles. Ils se sont installés à proximité de la collection de jouets en bois anciens de Bernard Goetz. Les attelages, camions, grues…ont été fabriqués dans le Cantal au début du XXe siècle par l’entreprise Dejou. Et nous replongeons encore une fois dans l’enfance.


Repassons par l’entrée où l’on s’était promis de se remettre aux puzzles que Christian Ponsot a réalisés. Les arbres sont bien verts, mais les pièces un peu difficiles à assembler. Un peu difforme cet érable ! Le voisin nous aide ! Ouf ! Et le quizz vraiment difficile : les arbres dans la mythologie !… Je rapporterai ma copie demain, quand j’aurai trouvé les réponses sur le net. (En fait les réponses se trouvaient sur les fiches accrochées aux grilles ! Je ne les avais pas vues !) Une telle densité de présentation ! Encore des outils bien trop spécialisés pour moi dans l’entrée, puis les nœuds papillon et les cravates articulées nous plaisent autant que l’escalier miniature très bien proportionné de l’entreprise Gaussin.
Nous apprenons aussi en passant que Claude-François Denecourt, né en 1788, le créateur des sentiers de randonnée de la forêt de Fontainebleau,  est originaire de Neurey-en-Vaux, en Haute-Saône. Cette localité lui a rendu hommage en donnant son nom à la place du village et en lui dédiant un micro-musée à la mairie.

   Chacun a apprécié la forêt selon son parcours, son histoire, la promenade dans les bois a provoqué émotions, dévoilé des passions dans cette exposition dense et variée. La plupart des visiteurs ont été enchantés. Il manquait juste les instruments de musique pour reprendre quelques airs connus comme Auprès de mon arbre, de G. Brassens, et dont la mélodie aurait accompagné quelques poésies…