Bouquimania, l’archéologie des livres…

La Bouquimania qui vient d’avoir lieu, grande foire aux livres organisée par la SHAARL depuis 24 années, magistralement installée dans le paysage culturel de la région luronne, donne l’occasion de réfléchir à une activité finalement assez étonnante pour une petite société d’histoire (et d’archéologie) locale : collecter, dans les 32 déchetteries du Sytevom (Hte-Saône + Rougemont et Baume-les-Dames et Clerval…) tous les « rejets » de livres, les trier… et les redistribuer chaque année à l’automne, dans une grande foire aux livres… L’Est Républicain s’est très largement fait l’écho de la Bonne santé de la Bouquimania, de cette Revanche du papier… (voir la revue de presse). Environ 300 000 livres présentés, plusieurs dizaines de tonnes d’ouvrages récupérés chaque année, et des milliers de visiteurs… des chiffres qui impressionnent, qui semblent même encore en hausse ces dernières années, des chiffres peut-être utiles à relever, à conserver, qui serviraient l’histoire du livre, de son devenir entre matérialité de papier et support numérique.

D’un côté, on se débarrasse des livres, comme si le poids des bibliothèques devenait impedimenta contrariant la mobilité ou la légèreté domestiques, devenait entrave à un rythme de vie plus effréné, qui exclut le temps des livres… et de l’autre, on se précipite nombreux dans l’immense librairie éphémère de la Bouquimania. C’est que la fourmilière des bénévoles qui s’activent dans la grande salle du Sapeur (à Lure) continue d’aimer le papier. L’art des typographes ne lui est pas indifférent, qui donnent à la page imprimée un certain relief favorable à la lumière et à la lecture des caractères. Le livre est une affaire des sens, de la vue et du toucher tout particulièrement, et pas seulement du sens des savoirs… et tous ceux qui aiment l’histoire ont aussi le goût du livre, de l’archive, des papiers qu’il faut collecter, préserver, communiquer, mettre en valeur… et la SHAARL, dans cette collecte immense, se sent un peu archiviste, et résiste à l’immédiateté, à l’immatérialité ou à l’éphémère du monde numérique. Ainsi la Bouquimania participe-t-elle d’une archéologie des livres et des savoirs, s’appuyant sur les formes traditionnelles de la connaissance (le livre) pour commencer d’apprendre à répondre peut-être aux questions de demain (comment archiver, conserver le document numérique ?), instaurant finalement un commerce intelligent et profitable à tous entre les nouvelles technologies qui conditionnent de plus en plus notre présent, et les vieilles humanités. Le livre, son passé, son avenir, c’est justement le grand sujet de réflexion de l’historien Roger Chartier ou de Robert Darnton, le directeur de la bibliothèque de l’université d’Harvard (voir videos et références en cliquant sur le nom des auteurs).

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